Le métier de facilitatrice graphique, interview d'Agatha Bauer, Formapart

Le métier de facilitatrice graphique, interview d'Agatha Bauer, Formapart

Aujourd’hui j’interviewe Agatha Bauer, facilitatrice graphique chez Formapart.

Agatha Bauer est facilitatrice graphique chez Formapart, une entreprise spécialisée dans la facilitation et l’intelligence collective. Avec un parcours atypique mêlant marketing, communication et management dans un grand groupe bancaire, elle a su opérer une reconversion réussie pour se consacrer pleinement à son domaine de prédilection : la facilitation. Pour elle, la facilitation graphique n’est pas un métier en soi, mais un puissant outil au service du collectif, permettant de structurer les idées, d’engager les participants et de rendre les échanges plus impactants. Dans cette interview, elle partage son parcours, son quotidien et sa vision de l’avenir de la facilitation graphique.

Pierre : peux-tu te présenter et présenter ton métier ?

Agatha : pour moi la facilitation graphique n’est pas un métier. C’est un des outils du facilitateur. C’est un peu différent de ce qu’on appelle le “scribing” (prise de notes en live).

Je suis en avant tout une facilitatrice qui utilise des outils visuels.

Donc, si je résume, tu es facilitatrice et la facilitation graphique est l’un de tes outils de prédilection ?

Tout à fait.

As-tu des exemples d’usage de la facilitation graphique ?

Mon rôle est multiple :

  • J’accompagne un collectif.
  • Je cadre le besoin.
  • Je désigne un temps collectif pour permettre aux participants de répondre à ce besoin par eux-mêmes.
  • Pour finir, j’anime ce temps collectif.

Pour ma part j’utilise des outils visuels dans toutes les étapes liées au métier de facilitateur :

  • Scribe en live (mise en forme visuelle des échanges).
  • Construction d’un univers d’embarquement (en particulier grâce à des métaphores visuelles).
  • Construction de support de récolte de contenus (création de gabarits).
  • Compte rendu d’un temps de réunion.

Prise de notes en direct des échanges du groupe

La prise de notes en direct des échanges du groupe (ou scribing) consiste à capturer visuellement en temps réel les discussions et idées partagées lors d’une réunion, d’un atelier ou d’une conférence.

Résultat : cela permet de synthétiser les échanges, de faciliter la compréhension et de garder une trace claire et engageante.

Construction d’un univers d’embarquement

La construction d’un univers d’embarquement à l’aide de métaphores visuelles permet d’immerger les participants dans une thématique et de faciliter leur engagement. L’idée est d’utiliser des images et des analogies pour rendre un sujet abstrait plus concret, stimuler l’imagination et créer une expérience mémorable.

Imagine que tu animes un atelier sur la gestion du changement en entreprise. Plutôt que de simplement expliquer le processus, tu peux utiliser une métaphore du voyage :

  • L’entreprise est un bateau en pleine mer.
  • L’objectif est une île représentant la transformation souhaitée.
  • Les obstacles sont des tempêtes (résistance au changement, imprévus...).
  • L’équipage représente les équipes qui doivent collaborer pour naviguer vers l’objectif.

Résultat : les participants visualisent mieux le défi et s’approprient plus facilement les concepts. Cela facilite l’alignement et la prise de décision collective. 🚀

Construction de support de récolte de contenus

La construction de supports de récolte de contenus consiste à créer des templates visuels structurés pour aider les participants à organiser et synthétiser leurs idées lors d’un atelier ou d’une réunion. Ces supports servent de guides clairs et intuitifs pour collecter des informations de manière efficace et engageante.

Imagine que tu animes un atelier de rétrospective agile avec une équipe projet. Plutôt que de leur donner une simple feuille blanche pour écrire leurs idées, tu leur fournis un template visuel en forme de montgolfière :

  • Le ballon = Ce qui nous fait avancer (les réussites du sprint).
  • Les sacs de sable = Ce qui nous freine (les obstacles rencontrés).
  • Les courants d’air = Les opportunités à saisir pour le prochain sprint.

Les participants remplissent le template directement en y ajoutant leurs notes et dessins.

Résultat : la récolte d’informations est plus fluide, visuelle et impactante, facilitant la prise de décision collective.

Scribe en live (mise en forme d’une certaine façon)

Le scribe en live consiste à mettre en forme visuellement un contenu en temps réel, que ce soit une conférence, une réunion ou une discussion. Contrairement à la prise de notes en direct qui retranscrit les échanges du groupe, le scribe en live se concentre sur la mise en valeur d’un contenu structuré, souvent en lien avec un discours ou une présentation.

Compte rendu d’un temps de réunion

Le compte rendu d’un temps de réunion en facilitation graphique consiste à synthétiser et structurer visuellement les échanges, décisions et actions d’une réunion, à postériori. Plutôt qu’un simple document textuel, ce compte rendu prend la forme d’une carte visuelle, rendant l’information plus accessible, mémorable et engageante.

Imagine une réunion stratégique sur l’évolution d’un produit. Plutôt que d’envoyer un long email récapitulatif, le facilitateur graphique crée un compte rendu visuel sous forme de sketchnote :

  • Un titre clair en haut (« Réunion Stratégie Produit - 10 Février 2025 »).
  • Un cadre pour les décisions prises, illustré par des icônes (ex. ✅ pour les validations).
  • Une section avec les prochaines actions, accompagnées de pictogrammes (ex. 📆 pour les deadlines).
  • Des bulles pour les points clés discutés, avec des dessins simples pour illustrer les concepts abordés.

Résultat : une synthèse claire et engageante qui permet aux participants de retrouver rapidement l’essentiel et de mieux suivre les actions à venir.

À quoi ressemble ton quotidien ?

Je m’occupe aussi chez Formapart de la stratégie et de la communication.

J’ai des journées de productions et de non-production.

  • Non-productions : gestion de projet, de communication et cadrage de besoins clients.
  • Productions : je forme à la facilitation graphique ou j’interviens dans des sessions de scribing. À côté de mon emploi principal j’ai une activité personnelle je fais du scribing et de l’illustration.

Quel est ton parcours ?

J’ai suivi des études marketing doublé d’études d’histoires en même temps. J’ai fait un choix alimentaire avec le marketing. J’ai passé 18 ans dans un grand groupe bancaire à faire plusieurs postes (management, marketing, commercial), jusqu’à un plan de départ volontaire. J’étais déjà facilitatrice interne, j’ai finalement rejoint Formapart en tant que salariée. Mon objectif était plutôt de devenir freelance, mais je n’ai pas eu le temps.

Chez Formapart, je bénéficie à la fois de la liberté du freelance et de la sécurité d'une entreprise. Nous avons un management horizontal, une liberté totale d’entreprendre et d’auto-organisation. Ce que je fais cela à de l’impact sur la structure. En même temps je suis salariée : j’ai des collègues, des congés et un salaire assuré. Le seul inconvénient c’est que nous sommes éclatés aux 4 coins de la France, je passe donc la plupart de mon temps seule chez moi.

Plus jeune que souhaitais-tu faire dans ta vie ?

Égyptologue ! J’ai commencé les études pour, d’où mes études en histoires.

Arrivée à bac+3 j’ai dû choisir. J’ai choisi la stabilité.

Quelle est ta plus grande réussite ?

Réussite personnelle : c’est mon mariage qui a 30 ans cette année, ce qui fait plus des 2/3 de ma vie !

Réussite professionnelle : avoir réussi ma reconversion dans une structure épanouissante et d’avoir une activité freelance à côté. Dans une structure qui n’appartient qu’à moi. Cela vient nourrir mon âme d’entrepreneuse. Je peux entreprendre avec la sécurité.

Quels sont tes défis au quotidien ?

Rester créative : aujourd’hui il est assez facile d’être à fond dans le développement de la structure Formapart et d’oublier le dessin. J’essaie de garder un équilibre entre mon travail et le dessin (sur des sujets professionnels).

Cela me permet d’entretenir ma motivation et de continuer à être créative.

Quels conseils peux-tu donner à ceux qui voudraient se lancer dans le même métier que toi ?

Suivre une formation de facilitateur graphique (voir les ressources à la fin de l'article). Commence par deux ou trois jours, c’est le package de base. Ensuite il n’y a que ta propre pratique qui pourra t’emmener plus loin.
Il faut pratiquer tous le temps. Dans ma vie je suis tout le temps en train de faire de la facilitation graphique.
Prends le temps de copier, le style, les polices tout en citant ceux qui t’inspirent. Cela permet de tester des choses et de faire évoluer son style. Cela me permet de ne pas m’ennuyer et d’affiner son style tout en progressant.

Quel impact de l’IAG dans ton métier ?

Je pense que cela va avoir de l’impact principalement sur le travail des illustrateurs. Ils risquent d’être remplacés car leurs clients auront en internes accès à des outils de création pour faire des bons visuels. Au delà de l’IAG, je pense aussi que Canva a engendré pas mal de dégâts chez les illustrateurs…

Pour la facilitation graphique il y a encore un côté waouh du “fait sur le vif”, à la main, au feutre. Nous pouvons nous aider de l’IAG pour préparer le travail. Par exemple synthétiser le PPT de la conférence et en ressortir les points clefs. Mais de là à me remplacer en live ce n’est pas encore le cas.

Tu es entouré d’un réseau de personnes qui ont le même métier que toi ?

Oui c’est un petit monde, par exemple Morgan qui a un style différent du mien. Il forme beaucoup et donne beaucoup de formations. Nous nous retrouvons chaque année pour échanger sur nos pratiques. Nous sommes 15-20 et utilisons le forum ouvert pour échanger pendant 2 jours.

Est-ce qu’on peut vivre de ton métier en tant qu’indépendant ?

Il faut être vraiment très doué et être prêt à beaucoup se déplacer. En ce moment il vaut mieux être multitâches. Être exclusivement facilitateur graphique, c’est difficile.

L’avenir de la facilitation graphique selon toi ?

Je rêve qu’il y ait des facilitateurs et facilitatrices graphiques dans toutes les entreprises. Cela existe déjà. Je sais qu’au CEA de Grenoble il y en a une, elle a un pouvoir d’impact dans la structure qui est démultipliée car elle est présente tous les jours. C’est un levier de transformation.

Je rêve de faire disparaître les PPT en présentiel. Ça deviendra possible en ayant des gens formés à la facilitation (graphique ou non).


La facilitation graphique est bien plus qu’un simple outil visuel : c’est un levier puissant pour structurer les idées et dynamiser les échanges en collectif. Grâce à son expertise et son engagement, Agatha Bauer contribue à faire évoluer cette pratique en la rendant plus accessible, pertinente et adaptée aux besoins des organisations, favorisant ainsi une meilleure collaboration et une prise de décision plus éclairée. Merci Agatha d’avoir joué le jeu ! ❤️

Pierre pour Modulo

Ressources :